(24hinfo)-Le président de la République, Emmanuel Macron a lancé un fougueux plaidoyer pour l’action multilatérale, seule à même selon lui, d’enrayer les innombrables crises contemporaines.
À New York, le Figaro
Tempes moites, les mains tremblantes, Emmanuel Macron avale d’un trait le verre d’eau qui l’attendait depuis quarante bonnes minutes sous le pupitre. Le président français sort marqué d’une longue harangue au premier jour de la 73e assemblée générale des Nations Unies, à New York. Pour sa deuxième apparition devant le cénacle mondial depuis son élection en mai 2017, il a tout tenté pour taire les Cassandre, nombreux, qui pointaient son essoufflement sur la scène internationale, à l’aune du populisme triomphant aux quatre coins de la planète. Reprenant son souffle comme un boxeur sans certitude quant à l’issue de son combat en solitaire, le chef de l’État observe, interdit, les applaudissements nourris qui marquent la fin de son allocution, une heure après celle, bien moins plébiscitée, de son homologue américain Donald Trump.
A l’unilatéralisme revendiqué de ce dernier, son alter ego vient d’opposer un «universalisme chevillé au corps», le seul qui permette d’affronter ce vingt-et-unième siècle et ses défis «à hauteur d’homme». Il y a du souffle dans ce discours, et beaucoup de frustrations évidentes, face au verrouillage de l’action internationale dans les drames syrien, birman ou yéménite. Ceux-là mêmes que le secrétaire-général de l’ONU, António Guterres, invoquait en ouverture de session pour décrire «un système international parvenu au point de rupture».
Si Trump et Macron se sont parlés la veille au soir en tête à tête, le discours français devant l’ONU pointe «les responsables» de «la crise profonde de l’ordre international libéral westphalien» et de l’impuissance onusienne face à elle: «nous tous dans cette salle», selon Emmanuel Macron, les dirigeants d’Etats-nations incapables de «dénoncer efficacement les violations nombreuses de ces droits» fondamentaux que la Charte des Nations Unies se promettait de garantir en 1945. Une deuxième salve d’applaudissements un peu moins nourris accompagne le président francais qui se retourne une dernière fois en saluant ceux qui ont apprécié un fougueux plaidoyer pour l’action multilatérale, seule à même selon lui, d’enrayer les innombrables crises contemporaines.
Croisade et impuissance
Emmanuel Macron est en croisade, contre «la loi du plus fort». Celle de l’Administration Trump, qu’il ne citera pas nommément, mais dont l’ombre portée transpire dans l’énumération des faits reprochés: la crise migratoire et la tendance inquiétante à la fermeture des frontières en lieu et place d’une gestion collective des flux de population, la dénonciation d’un accord nucléaire iranien qui avait pourtant permis en 2015 d’enrayer la marche de Téhéran vers la bombe, le protectionnisme à tout crin en matière de tarifs douaniers.
Dans tous ces dossiers, susceptibles de déstabiliser un monde déjà passablement ébranlé, il existe «une troisième voie», assure Macron, costume bleu nuit et cravate assortie, en plein élan gaullien. «La plus difficile, la plus exigeante», insiste-t-il. Loin de l’acceptation d’une sombre «parenthèse de l’histoire» durant laquelle il faudrait faire le gros dos et de cette «loi du plus fort» en pleine expansion, il convient de réaffirmer «la responsabilité de la paix» sous une forme collective. En défendant l’accord de Vienne sur l’Iran «ensemble», «sans naïveté ni complaisance» – et tant pis pour ces Etats-Unis en pleine rétraction. En négociant des règles commerciales communes, pour établir «les conditions d’une concurrence loyale, égale». En refusant toute initiative unilatérale dans le serpent de mer israélo-palestinien, loin donc des maladresses américaines très largement imputables au gendre de Donald Trump, Jared Kushner, qui a négocié le déménagement de l’ambassade des Etats-Unis de Tel Aviv vers Jérusalem et fermé le robinet de l’aide américaine à l’Autorité palestinienne.
«Il n’y a pas d’alternative crédible à deux États côte-à-côte»
Tout simplement, argue Emmanuel Macron, «parce qu’il n’y a pas d’alternative crédible à deux Etats côte-à-côte» et parce que l’État hébreu, auquel la France voue «une affection profonde», sincère, «doit mettre un terme à la politique des faits accomplis», dans la poursuite des implantations dans les territoires occupés. Cet inventaire de vœux pieux, parfois désespérants, s’étend aux «défis démographiques, climatiques, migratoires», dans la lutte contre le terrorisme islamiste, qui tous nécessitent «le respect des souverainetés, le renforcement des coopérations régionales, l’apport de garanties internationales robustes».
Mais que peut faire la France dans cette Syrie où elle semble avoir perdu toute influence? «Nous sommes un pays qui a fait beaucoup d’erreurs, de mauvaises choses», s’époumone le président, faisant allusion à ses récents propos controversés sur l’usage de la torture en Algérie et la disparition de l’enseignant communiste Maurice Audin en 1957, aux mains des parachutistes du général Massu. «Mais j’ai l’universalisme chevillé au corps, et je ne m’habitue pas à ces unilatéralismes, quand le siècle qui s’ouvre nous regarde». Dilemme éternel d’une puissance moyenne jamais vraiment remise de sa perte d’influence globale au tournant de la Seconde guerre mondiale, malgré ce siège de membre permanent au Conseil de sécurité, hélas insuffisant pour peser sur les tragédies menaçant le fragile équilibre planétaire.